Celle qui m’a fait découvrir Rimbaud

Cette nuit, j’ai fait un rêve. Qui commençait comme un rêve sans queue ni tête. J’étais dans une piscine, et avant de se baigner, y avait une compétition. Comme une andouille, je suis allée dans l’eau, je suis passée trop près des deux nageurs et j’ai annulé leur prestation. Je suis donc allée m’excusée auprès d’eux et de leur entraîneur. Après, je redescends, et …. je tombe sur une prof d’anglais que j’avais au collège et que j’aimais énormément.

” Madame L ?!” Elle me regarde à peine. “Vous vous rappelez de moi ? C’est Maëva, je vous ai eu au collège!!” Elle me regarde à peine, indifférente. “Oui, je sais qui tu es oui. Et alors ?” Elle s’en fiche. Ça ne l’intéresse pas. Je m’écarte, les yeux pleins de larmes. Et là, elle me rattrape et me dit “Mais bien sûr que je me souviens de toi !! Je suis si heureuse!” et plein d’autres choses du genre que je ne saurais pas me rappeler. Mais au moment où elle me serre dans ses bras, j’ai tout à coup une conscience aiguë du fait que je suis en train de rêver, et je me mets à pleurer en sachant qu’au réveil, cette rencontre n’aura pas eu lieu, qu’encore une fois, j’aurais été mystifiée par mon inconscient. Je me suis donc réveillée en pleurs que ça ne soit qu’un rêve. Et j’ai fait ce que je n’ai pas osé pendant toutes ces années (15 bordel!), je lui ai envoyé un message sur Facebook. J’ai hâte d’avoir sa réponse, t’imagine même pas !

En faisant du tri, je suis retombé sur un texte écrit pour une prof de ce collège, décédée bien trop jeune d’une rupture d’anévrisme. Ce matin, après avoir pleuré cette professeure chère à mon coeur, j’ai décidé de vous partagé ce texte pour sa collègue, qui m’était très chère également. C’était en 2006, j’étais en seconde, mais le collège me manquait, pour ces quelques profs qui m’ont sauvée littéralement la vie et qui m’ont servi de modèle dans ma vie si peu sereine.

Celle qui m’a fait découvrir Rimbaud

Un jour, je suis entrée dans une salle de classe, pleine de tables tagguées et d’odeur de craie. La place libre au premier rang m’a appelée, et c’est devant ce bureau que je me suis installée. Derrière, il y avait une jeune femme. Mon professeur. Chaque jour, je voyais cette table, ce bureau, cette femme. Chaque jour, je pestais, d’être assise sur cette chaise, à cette place, face à elle. Elle m’agaçait. Ma seule envie, c’était de me lever, de hurler, de frapper, pour une raison qui m’était inconnue. Elle était sans doute trop professeur et pas assez femme. Sa voix m’agaçait, ses manières m’énervaient, son regard me pesait. Je n’ai pas cessé de travailler, dans cette salle, mais je travaillais seulement pour lui prouver que j’en étais capable, que même si je ne t’aimais pas, Madame, ça ne me découragerait pas. Puis un jour, elle nous annonça que l’on commençait aujourd’hui la poésie. J’ai soupiré en sortant mon cahier, sans même la regarder… J’ai sorti on crayon pour dessiner, comme tant de fois, en l’entendant, mais l’écoutant à peine. Comme à son habitude, elle s’est assise sur le bureau. Puis tu as commencer à lire. Tu m’a fait lever les yeux vers toi, avec cette voix qui pourtant m’agaçait tant… et j’ai vu ton regard… J’ai vu tes yeux caresser les mots, tandis que ta voix les cajolait. J’ai été captivée par cette flamme dans ton coeur, cette passion qui émanait de toi. Je ne pouvais plus rien faire d’autre que d’écouter ta voix, qui, ma foi, n’était pas si désagréable. Et j’ai écouté couler de ta bouche, les mots de Rimbaud, comme un ruisseau bienfaiteur. Tu m’as fait pleuré, Stéphanie. Tu m’as fait pleurer, en me transmettant cette passion pour cet homme avec qui tu étais en osmose, grâce à ses textes, grâce à ses mots, grâce à son âme qu’il avait mise dans sa poésie… Depuis le jour où tu nous as lu, où tu m’as lu, Le dormeur du val, je t’ai appréciée. Je venais prendre ma place, devant ton bureau, le coeur léger, le sourire aux lèvres. Et j’écoutais ta voix. Je t’écoutais lire, tandis que ces mots sur ma feuille, cette vie qu’Arthur nous racontait, par ta voix, par mes yeux, à travers le temps. D’ailleurs, ne s’arrêtait-il pas quand tu lisais ? Depuis ce jour, je t’ai considérée comme une femme et non plus comme une machine-professeur, simplement bonne à me regarder, les yeux seulement plein de grammaire et de vocabulaire…L’année suivante, je n’ai eu le plaisir de m’asseoir dans ta classe que quelques mois… Mais tu m’avais transmis ta passion et tu m’as montrée que tu pouvais lire autre chose que des articles de journaux. Et après avoir lu Rimbaud, tu m’as lue, moi… J’étais flattée, si flattée lorsque tu m’as dit que tu aimais… Et puis j’ai grandi, et puis je suis partie. Je continuais à lire les poèmes du petit poète des étoiles, tu as continuée à vouloir savoir ce que je devenais. Je t’ai revue, une fois. Je t’ai dit que j’avait choisi la voie de la littérature. Tu m’as félicitée. Plus encore. Tu m’as dit que tu étais fière de moi, tu m’as souris et m’as serrée dans tes bras minces . Ces bras mêmes qui n’auraient pu m’effleurer deux ans auparavant. Trois mois plus tard, j’apprends que toi, Stéphanie, si jeune, si heureuse, si pleine de vie, avais fermé les yeux à tout jamais, avais posé le fin voile de tes paupières blanche sur la passion que tu nourrissais pour Rimbaud, pour la vie, pour ton amoureux. Te savoir partie m’a fait mal. J’ai toujours mal. Je tenais à toi, Stéphanie, même si je ne te l’ai pas montré. Mais la douleur n’est rien, je continue à vivre, à lire, notre cher Rimbaud. Je suis née au même endroit que lui, tu étais née le même jour. Étrange coïncidence, pour deux femmes qui l’aimaient tant. Lorsque je le lis, lui, ses mots tant chéris, sa poésie, ce n’est pas ma voix que j’entends, mais la tienne. Tu peux être sûre que je ne t’oublierai pas, car on ne peux pas m’enlever cette passion rimbaltique, je ne t’oublierai pas, toi, le professeur, la jeune femme morte jeune, si jeune;.. et tu vivras dans mon coeur et dans les pages de ton idole, le petit poète des étoiles…

En ces temps où les professeurs sont traînés dans la boue, dévalorisés, détestés et lynchés, il me semble important de montrer que certains marquent nos vies pour toujours…

Bonne journée, je t’embrasse!

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